Même sans avoir des visions d'avenir, on peut se rendre compte assez facilement du caractère pervers d'une certaine manie des indices et autres classements. Prenez par exemple l'indice H (indice de Hirsch), proposé l'an dernier pour classer les chercheurs du monde entier - quelle grande idée! Selon Wikipédia <http://en.wikipedia.org/wiki/Hirsch_number>, les trois scientifiques avec l'indice le plus élevé sont les suivants (suivre les liens donnés par Wikipédia pour plus de détails):

- Solomon Snyder: ce neurologue a mené des travaux très importants dans le domaine des neurotransmetteur et de leurs récepteurs. Ses découvertes sont par exemple à la base du développement du Viagra. Ses 191 articles les plus cités l'ont tous été au moins 191 fois, ce qui lui confère un indice H record de 191. Tant mieux pour lui et pour tous les patients qui profitent des médicaments issus de ses recherches!

- David Baltimore: ce biologiste a reçu le prix Nobel de médecine en 1975. Mais ses exploits ne s'arrêtent pas là: en 1986, il a été coauteur d'un article dont les résultats n'étaient pas reproductibles, et qui a été considéré comme une fraude. Quels que soient les mérites et les fautes de Baltimore, il s'est ensuite rétracté. Et il ne faut pas oublier une chose: une citation négative est une citation... positive pour l'indice H (160).

- Robert Gallo: les travaux de ce biologiste sont connus du grand public puisqu'il a été un des découvreurs du VIH, le virus du SIDA. Mais cette découverte a surtout été contestée entre le groupe de Gallo et celui de Luc Montagnier, Gallo étant même accusé d'avoir utilisé sans en faire référence des souches fournies par Montagnier. Montagnier est aujourd'hui considéré comme le principal découvreur du VIH. Même si les travaux de Gallo ont aussi beaucoup fait avancer les connaissances scientifiques, nul doute que la polémique a profité à son indice H (154).

Si on ne va pas jusqu'à croire que deux chercheurs sur trois ont au moins une fois fraudé dans leurs publications, c'est pourtant ce rapport de 2/3 qu'on observe au "sommet". Avis donc aux scientifiques qui veulent participer à la course aux citations (ou qui s'y sentent obligés, comme la plupart): engagez-vous dans le domaine bio-médical, car ce ne sont pas les maladies qui viendront à manquer ces prochaines décennies. Et surtout publiez des articles sujets à contestation, quitte à vous-même publier plus tard le contraire: cela aussi génère des citations.